Bien que désormais je puisse dire que je faisais officiellement partie des élèves de cette pension, je ne m'étais habituée ni à la foule ni même à l'uniforme. Je portais celui-ci un peu mal à l'aise et je l'avais déjà un peu adapté à mon corps : je remontais la jupe de sorte qu'elle m'arrive bien au-dessus des genoux, que je puisse être à l'aise dans mes mouvements, et j'ouvrais un peu ma chemise afin de ne pas être étouffée. C'était un peu mieux mais je n'arrivais pas à être tout à fait à mon aise.
Ma mémoire étant toujours aussi bonne, je me souvenais du plan exact du lycée, et en cette belle matinée, bien qu'un peu froide, j'avais prévu d'aller en repérage des endroits les plus fréquentés. Car même si au premier abord j'ai l'air un peu renfermée, je n'aime pas la solitude. J'avais donc l'espoir de me faire des amis. Et dès mon arrivée j'avais repéré que le hall était bondé, ce qui devait être récurrent. J'avais donc décidé d'y retourner.
Effectivement la salle était pleine et je dirais même, un peu trop pleine. Alors que j'essayais de repérer d'autres élèves un peu seuls ou un peu perdus, je ne trouvais que des groupes d'amis qui semblaient n'avoir besoin de personne. J'étais donc seule au milieu de cette foule ou un brouhaha permanent semblait régné. Cela finit par m'agacer et tout en continuant ma marche que je n'avais pas encore arrêtée depuis ma traversée du hall, je me dirigeais vers la porte opposée par laquelle j'étais entrée. Une fois sorti du hall je ne pus retenir un soupir de soulagement. Finalement, aborder quelqu'un s’avérait bien dur qu'elle ne l'aurait cru.
Je ne faisais plus vraiment attention et je marchais automatiquement en direction du portail. Le nez en l'air je réfléchissais à comment je pourrais me faire des amis, lorsque je bousculai quelqu'un par inadvertance. Il faut dire que je marchais assez vite et surement pas droit. Je m'arrêtais net, confuse.

« Excuse-moi, je... »

J'en oubliais de finir ma phrase lorsque je posais les yeux sur l'inconnue. Grande, blonde avec des yeux bleu-vert, elle était charmante. Et j'affectionnais particulièrement ça. Un léger sourire apparut un instant sur mon visage. J'avais ce côté un peu protecteur qui arrivait à chaque rencontre avec une fille aussi adorable que je ne pouvais contrôler, alors c'est sans même m'en rendre compte que je lui demandais :

« Je ne t'ai pas fait mal ? »

Il aurait fallu que je lui fonce dedans pour qu'elle soit certainement affectée, mais ma question n'était pas réfléchie. Avais-je l'air idiote ? Oui, c'était fort possible. Mais si cette inconnue ne partait pas en m'ignorant, je tenais peut-être la chance de me socialiser un peu.

« ENFIN! »

Mon cri -légèrement barbare, je dois l'avouer-, fit fuir les quelques oiseaux qui se tenaient percher sur des murs. Ces derniers avaient l'air fait de pierres, mais dans ce monde en constante évolution, ce qui semblait être fait de telle chose ne l'était finalement pas tellement. Incrustée dans la pierre, l'objet de mon cri: une sorte de...d'ardoise, avec gravé dessus le nom de l'édifice que l'on pouvait voir de toute sa splendeur, vu qu'il était à juste quelques mètres: "PENSIONNAT YORIHIKO".
Il faut dire que ça avait carrément été une bataille pour le trouver, ce bâtiment; car moi et l'orientation, depuis toute petite, ça a toujours fait trente-six mille!
M'agenouillant près de mes deux encombrantes valises, j'ouvris la fermeture éclair située sur le côté de la première et en sortit le tract du pensionnat... Qui s'envola aussitôt.

« ... D'accord. Là, au moins je suis sûr d'une chose : ça commence très mal! »

Esquissant un petit sourire crispé, je maudis le vent hivernal qui venait de m'enlever le seul moyen de me repérer ainsi que le verglas, qui bien qu'ayant apporté une magnificence insoupçonnée au paysage en régalant mes yeux pendant que je marchais ce matin, m'empêchait à présent de poursuivre le petit bout de papier blanc, maintenant bien loin.
Franchissant enfin les grands murs de pierre, mon optimisme à tout épreuve refit surface lorsque je vis sortir du pensionnat une personne.
En m'approchant, j'aperçus un peu mieux le visage de l'étudiante, car oui c'était une fille. Elle paraissait perdue dans ses pensées et marchait à la façon d'un automate, sans me voir.

ça ne vas pas arranger mes affaires! Il FAUT que je me fasse voir! pensais-je.

Je me mis à courir vers cette pensionnaire inconnue, mais qui pourrait surement m'aider, avant de m'arrêter. M'arrêter. Verglas. Avant d'avoir eu le temps d’additionner un plus un, je me percuta à l'inconnue, qui parut enfin prendre conscience de l'existence qui l'entourait et pris la parole avant moi:

« Excuse-moi, je... »

Bon d'accord, un début de phrase. Un peu sonnée, je relevais la tête pour me retrouver face à...

« Un ange? »

Woups! la phrase m'avait échappé. M'enfin, si ce n'était pas la vérité, elle s'en rapprochait carrément, parce que franchement, je n'avais jamais vu d'aussi beaux yeux marrons. Et les cils qui les encadrées, si long si noir! Mais bon, cela pouvait très bien être modifié avec une touche de "maracas"... ou était-ce "mascara"? Après tout, j'étais kitsch mais pas vraiment maquillage... Le temps que je réfléchisse, l'inconnue avait apparemment fini de me passer aux rayons X, car elle prit enfin la peine de terminer sa phrase.

« Je ne t'ai pas fait mal ? » demanda-t-elle, apparemment inquiète.

« Non, non! P-pas du tout! En fait t'as carrément un bon timing, parce que j'avais justement besoin de quelqu'un! E-En fait, tu vois, mon tract s'est envolé, alors, heu...Tu peux m'aider à ... »

J'arrêtai soudainement de parler, trouvant mon blabla un peu trop incompréhensible, et réfléchis pendant une bonne minutes à la reformulation de ma phrase. Après une correction mentale, je repris:

« En fait, je suis nouvelle dans ce pensionnat et j'ai perdu mon plan. De plus, je ne sais pas vraiment ce qu'il faut faire ni où il faut aller, alors si tu pouvais m'aider, j'en serais extra-ravie! »

« Un ange? »

Enfin que disait-elle ? Parlait-elle d'elle-même ? Je ne compris pas la signification de sa phrase, mais un vent glacial vint me rappeler que le soleil ne faisait pas tout. J'en oubliais alors la question que je venais tout juste de lui poser. J'étais distraite ces temps-ci. Un frisson me parcourra. Je n'aurais peut-être pas du sortir. Dans les couloirs j'apercevais les rayons du soleil qui semblait être doux et chaud et j'en oubliais la température. Oubliant les paroles que je venais de prononcés, je dévisageais la jolie inconnue qui me répondait :

« Non, non! P-pas du tout! En fait t'as carrément un bon timing, parce que j'avais justement besoin de quelqu'un! E-En fait, tu vois, mon tract s'est envolé, alors, heu...Tu peux m'aider à ... »

J'étais surprise de ces paroles que je trouvais tout à fait inadaptées à une première rencontre lorsque ma mémoire revint de force me rappeler la question je lui avais posé. L'ombre d'un sourire passa de nouveau sur mon visage, et je repris mon analyse là où je l'avais arrêté. Cette fille s'était-elle arrêtée de parler parce qu'elle m'avait trouvée étrange ? Je ne l’espérais pas, elle restait près de moi et j'allais saisir cette chance. Mais je n'osais pas parler tant qu'elle ne finissait pas sa phrase. Le silence s'installa et mon malaise grandit. Qu'attendait-elle ?
Finalement, je pris la décision de la couper. Pour dire n'importe quoi, mais pour la faire réagir. Si nous étions deux à ne pas finir nos phrases, nous n'irions pas loin. Mais à peine avais-je ouvert la bouche que la jeune fille reprit là où elle s'était arrêtée.

« En fait, je suis nouvelle dans ce pensionnat et j'ai perdu mon plan. De plus, je ne sais pas vraiment ce qu'il faut faire ni où il faut aller, alors si tu pouvais m'aider, j'en serais extra-ravie! »

Effectivement, les deux valises qu'elle portait appuyaient ses dires. Mais ce qui me fit le plaisir était l'aide qu'elle me demandait. Elle n'allait donc pas s'enfuir, je tenais l'occasion de sortir de mon isolement ! De plus, cette belle inconnue me semblait sympathique, ce qui m'attirait, inévitablement. Je ne pouvais la laisser ainsi et c'est donc aussitôt qu'elle eut fini sa phrase que je lui répondais déjà :

« C'est avec plaisir que je te mènerais où bon te semble. Mais commençons par rentrer, il ne fait pas très chaud ici. »


J'avais parlé calmement, essayant de tenir une voix amicale. Je faisais des efforts mais mon sourire se voyait à peine. On ne pouvait même pas vraiment qualifier ça de sourire.
Je savais bien que j'avais du mal à montrer mes sentiments alors, afin d'affirmer mes bonnes intentions, je me rapprochais d'elle doucement. Je lui pris alors l'une de ses valises, qui au premier abord me semblait tout de même un peu lourde. Mais je n'étais pas chargée et je me devais de l'aider un minimum. Je me doutais tout de même mon action pouvait être mal interprété, je pris donc la peine de préciser :

« Laisse moi prendre la moitié du poids que tu portes. »


Je lui avais inconsciemment fait un clin d'oeil. Cela devait être étrange mais je ne préférais rien dire. Cela avait presque été comme un réflexe, ce qui était encore plus suspect. C'est donc en cherchant quelque chose à dire pour me sortir de là que je décidais de me présenter.

« Je m'appelle Nami. Orihime Nami. Bienvenue. »

On est d'accord : je ne fais rien dans l'ordre. Mais ma voix était douce et j’espérais qu'elle efface ainsi toutes les erreurs que j'avais pu accumuler jusque-là.

« C'est avec plaisir que je te mènerais où bon te semble. Mais commençons par rentrer, il ne fait pas très chaud ici. »

A peine ma question finie, j'obtenais déjà une réponse de mon interlocutrice, quelle rapidité! Sa voix était calme et posée, mais on devinait aisément la sympathie qui se cachait derrière. Cependant, point de sourire... A moins que.... Bref, ce n'était pas grave. Ce qui importait, c'est que ses paroles étaient plus que vraies, et que là, pour tout dire, on se les gelait.

« Tu n'as pas tort, le vent hivernal, c'est pas mal pour les poèmes, mais en vrai, ça caille! »

A ma grande surprise, au lieu de me dire de la suivre et de se détourner, la pensionnaire s'approcha de moi et me prit ma valise n°1 -la orange à rayures noires- des mains sans rien dire. Lorsque je fit mine de protester, elle me rassura avec la même voix que précédemment, rajoutant cependant un petit clin d'oeil très naturel, auquel je me pris à répondre sans m'en rendre compte.

« Laisse moi prendre la moitié du poids que tu portes. »

« Oh! Merci, c'est gentil! m'exclamais-je, avant de rajouter ironiquement: la couleur de la valise ne te fait pas peur ? » avec un petit sourire amusé.

Mon interlocutrice ne sembla pas entendre ma phrase, mais me fit part de son prénom : Nami. Orihime Nami.

C'est un beau prénom pensais-je silencieusement.

« Moi c'est Daidai En'ichi! Ravie de faire ta connaissance ! »

Je me mit à marcher rapidement vers le bâtiment, car même si en temps normal je supportais plutôt bien le froid, il ne fallait pas abuser non plus!

« Tu n'as pas tort, le vent hivernal, c'est pas mal pour les poèmes, mais en vrai, ça caille! »

Nous étions d'accord sur un point, ce qui était un bon début. Il faut dire que l'uniforme était bien plus beau que pratique. Surtout que je l'avais ajusté pour le côté pratique et non pour le côté chauffage. Ce que je regrettais presque maintenant. Mais les salles et les couloirs étaient bien chauffés, il suffisait donc d'y retourner au plus vite. Lorsque je lui pris la valise elle résista un instant mais mes paroles l'assurèrent et je pris l'une de ses valises. Elle n'était pas aussi lourde qu'elle le présageait bien qu'elle semblait tout de même remplie.

« Oh! Merci, c'est gentil! La couleur de la valise ne te fait pas peur ? »

Je n'avais fait attention qu'à la première phrase, mettant de côté ce qui me semblait inutile et surtout dérisoire. C'était une mauvaise habitude, certes. Mais je n'y pouvais rien. Mon esprit faisais seul le choix des informations qu'il gardait ou rejetait.
Suite à ma présentation, la jeune fille finit donc pas se présenter à son tour. Les formalités seraient ainsi échangées.

« Moi c'est Daidai En'ichi! Ravie de faire ta connaissance ! »

Daidai ? Orange ? Étrangement je trouvais que ça lui allait bien, même si c'était un drôle de prénom.
Elle se mit soudainement à marcher aussi vite qu'elle le pouvait en direction du hall. Nous n'allions pas rester ici indéfiniment, elle avait raison. Alors je me mis à la suivre. Je marchais derrière elle, la suivant d'assez près, et je la doublais un peu avant la porte. Ainsi, je pus l'ouvrir et la lui tenir ouverte. Oui, j'étais galante. Je prenais tout sur moi, surtout lorsque c'était une jolie fille qui me le demandait.
Une fois rentrée, je la précédais. Fermant la porte derrière moi je ne pus de nouveau me retenir de lâcher un soupir. La chaleur m'envahissait et je sentais la vie revenir en moi. J'exagère évidemment. Mais c'était tout de même une sensation fort plaisante que de retrouver la chaleur de ce hall. Je retrouvais hélas par la même occasion, la foule et son brouhaha, qui n'avaient pas disparu entre-temps. A l'attention de ma nouvelle rencontre mais aussi afin de m'assurer moi-même, je dis :

« On est tout de même mieux ici. »

A peine avais-je fini ma phrase que je me demandais ce que l'on pourrait faire. Hors de question de rester ici à suer dans cette foule. C'est donc pour éviter de rester trop longtemps sur place que je lui demandais d'un ton que j'essayais de garder toujours amical :

« Et si on allait déposer tes valises dans ta chambre ? »