Le pensionnat n'était pas tout près, j'ai dû me lever tôt. Habillé à la va-vite d'une chemise noire et d'un baggy, j'ai pris mes deux sacs, ma guitare sur le dos, et en pressant le pas j'ai quitté ma maison. Mon père dormait, je ne l'ai pas dérangé. Je n'ai pas même laissé un mot. Je l'aime, il le sait, pas besoin d'en rajouter. Je lui enverrai un message à mon arrivée si j'ai trop mauvaise conscience.

J'étais en retard mais le bus était encore là. J'ai une place assise dans le fond et j'ai mis en route ma musique. Mes écouteurs dans les oreilles j'en avais pour une bonne heure.

Après être descendu du bus et avoir visité les alentours, j'ai finalement trouvé cette pension. Le portail était immense. Mais j'allais pas rester devant immobile longtemps, d'un pas décidé j'entrai dans ma nouvelle demeure.

Passé le hall, je cherchais les dortoirs, voulant me débarrasser au plus vite de mes sacs. J'étais en chambre numéro 1, d'accord mais où ?

Après m'être aventuré dans plusieurs bâtiments je finis par trouver le bon. Ma chambre étant la première je n'eus pas la suite aucun mal à me retrouver. J'avais reçu la clé et j'ouvris sans attendre la porte. La chambre était grande mais sans aucune décoration. J'aimais bien.

J'ai posé ma guitare sur l'un des lits, balancé mes deux sacs en dessous, et enfin, je me suis écroulé à côté ma chère et tendre (ma guitare oui). Je pouvais souffler un peu.

J'en avais marre ! J'avais manqué de me perdre au moins une douzaine de fois dans cette saleté de pension. Qui a eut l'idée de mettre autant de pièces ? C'est un vrai labyrinthe ! Mais bon, après de longues minutes (heures) d'errance à travers les couloirs j'arrivais enfin devant la porte portant le numéro 1. A croire qu'elle faisait tout pour m'éviter celle-là.

Alors, quelque chose attira mon attention : la porte était entrouverte. Ce n'était pas normal. Les portes étaient censées être fermées à clefs, alors pourquoi la mienne était ouverte ? Sans plus me poser de questions, j'ouvris la porte en grand et me figea. Qu'est-ce que ce garçon faisait là ? Et pourquoi il semblait sur le point de s'endormir ? Et c'était quoi cette guitare ? Un nombre impressionnant de questions traversaient mon esprit, mais je ne réussis pas à articuler une seule parole, la surprise me rendait muet.

Je me retrouvais donc planté devant ma chambre comme un idiot. Super première impression, pas que cela me gêne.

Il faisait bon, le lit était moelleux et le sommeil venait gentiment me prendre. Alors que mes yeux se fermaient doucement, je me sentais partir. Mais comme on dit, le bonheur n'est pas éternel. La porte claqua, ce qui me réveilla d'une façon bien désagréable. Me redressant d'un coup je vis un jeune homme roux, muet. Je ne suis pas un grand bavard mais quand même, là, je ne comprends pas son attitude. C'était qui ? Son entrée pas très discrète et son mutisme qui lui donnait une sorte d'air ahuri, je finis par formuler tout haut ma question.

T'es qui ?

Évidence. Mon colocataire ! Ma question était stupide, mais il fallait que je la prononce pour m'en rendre compte, bien sur ! Je ne lui ai pas laissé le temps de répondre, je voulais pas paraitre idiot dès le départ, c'était trop facile.

Excuse moi, question stupide. Je m'appelle Satou. Et toi ?

Je lui lançais un sourire furtif qui semblait dire, j'suis pas la joie incarnée mais je me force un peu. J’espérais ne pas être tombé sur un illuminé.

Je secouais là tête pour essayer de reprendre mes esprits. Je venais de faire une mauvaise impression ? Qu'à cela ne tienne, il n'était que mon colocataire. Donc pas besoin de m'en inquiéter outre mesure.

Je l'entendis se présenter mais je décidais de ne pas lui répondre, ou du moins pas avant de m'être assis. Je me dirigea donc vers l'autre lit et m'y assis avant de le dévisager.

Il a dit qu'il se nommait Satou, je devrais potentiellement faire un effort pour m'en souvenir. C'est à voir. J'ai pas tellement envie de me fatiguer à retenir son nom. Mais bon, je suis poli, donc je me présente à mon tour.

Hasekawa Akiji.

Simple, concis, tout ce que j'aime. Par contre lui, je ne l'aime pas. Il 'a regardé comme si j'étais stupide. C'est lui l'idiot ici, pas moi. Je ne pose pas des questions dont je connais la réponse.

D'ailleurs, lui, ça le tuerai de sourire un peu ? On dirait qu'il veut pas me voir. Bon c'est vrai je n'ai aucune envie de le voir lui, ni de faire ami-ami. Je lui lance donc un regard noir, sort un livre de mon sac et commence ma lecture tout en l'ignorant.

Un silence suivi. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'encore plus désinvolte que moi. Impressionnant je dois dire. Alors c'est cet effet que ça rend quand on se tait.. Je parlerai plus souvent, j'dois vraiment faire des efforts !

Il s'assit tranquillement sur un des lits, comme si rien ne s'était passé. J'ai bien cru qu'il m'avait oublié et alors que je me demandais quoi faire face à cette situation tendue, il finit par me donner son nom. Hasekawa Akiji. Voilà c'est tout, il n'allait pas m'en dire plus. Il prit un livre et m'oublia. Drôle de personnage mon colocataire, j'allais passer une chouette année. Enfin, en restant positif, je me disais qu'au moins, j'avais pas à raconter ma vie. Ça, c'était plus que je n’espérais. Un petit rire m'échappa. Oui, je me mets à rire lorsque je suis heureux.

J'ai pris doucement ma guitare que j'ai allongée doucement à côté de mon lit. M'allongeant de tout mon long, j'étais serein. J'espérais tout de même que la légère tension dans la chambre ne de durerait pas.

J'étais bien. Il ne disait rien et me laisser lire mon livre en paix. Ce Satou était pas un bavard et c'était mieux ainsi, je n'avais pas à lui parler de moi ou à l'écouter parler. Le bonheur ou presque.

J'étais plongé dans mon livre. L'histoire était passionnante je dois avouer. De plus, il n'y avait pas un bruit dans la chambre, par conséquent, rien de susceptible de me déranger. Je vais peut-être revoir mon jugement. Après tout, un tel colocataire n'est pas si mal.

C'est alors que je l'ai entendu rire.

Cet abruti se moquait de moi ! Alors que je venais de réviser mon jugement sur lui !

Je posais doucement mon livre sur mon lit avant d'attraper un coussin et de lui envoyer dessus. Mon projectile rata sa cible de quelques centimètres... Bon d'accord, le coussin n'a même pas atteint le lit de l'autre idiot... Mais je lui lançais tout de même un regard noir avant de lui dire :

Ne t'avise jamais de te moquer de moi encore une fois.

Alors que je me demandais à quoi pourrait bien ressembler notre troisième colocataire, je vis un oreiller voler. Je n'ai pas bien compris, était-ce une blague ? L'oreiller était arrivé, avec difficulté, près de mon lit. Levant la tête, un regard noir me surpris. Incompréhension totale. Qu’essai-t-il de me dire ? Il fallut qu'il le formule pour que je comprenne.

Je ne me moque pas ! Enfin, qu'avait-il ? Il avait dû avoir une sacrée journée, il n'était pas encore midi certes mais il n'y avait pas d'autre explication, quelle mauvaise foi ! Mais je tenais pas à me battre. Il n'allait pas m'avoir. Je pris, en me penchant, l'oreiller moelleux qu'il m'avait lancé.

Reprends-le et détends-toi.

Mesurant ma force, je le lui envoyais. J'avais pris la peine de le prévenir, chose rare. J'espère qu'il aura remarqué cette attention.

Pourquoi cet idiot me regardait-il l'air surpris ? Comme s'il n'avait pas compris !

Il se pencha pour ramasser le coussin et me le lança après m'avoir prévenu. Comme si j'avais besoin d'être prévenu avant de recevoir un coussin. Je ne suis pas un enfant de 2 ans, je sais qu'un coussin n'est ni lourd ni ne fait mal.

Et puis c'était quoi ça ? Que je me détende ? Je ne comprends absolument pas. Je suis tout à fait calme et détendu ! Qu'est-ce qu'il me raconte ! Et pour cela je vais lui faire remarquer à ce.. ce... cet idiot !

Je suis parfaitement détendu ! Et ne me dis pas ce que j'ai à faire !

Ensuite, je repris calmement (plus ou moins) mon livre et poursuivis ma lecture. J'allais devoir supporter cet abruti toute l'année qui allait suivre, il valait donc mieux ne pas me mettre mon colocataire à dos dès le premier jour.

Comme s'il devait avoir le dernier mot, il sortit certainement la phrase la plus idiote qu'il put. Haut et fort il se dit détendu, non mais sur son front on va sa colère ! Il aurait pu être comique celui-là. Et puis cette histoire d'ordre aussi, c'était quoi ? Petit temps de réflexion. Oui, il était plus jeune. C'était évident. Aller, ne surtout pas se prendre la tête. Je mis ça réplique sur le dos de son immaturité. Un sourire de reddition apparut une seconde avant de s'évanouir. Je ne pris pas même la peine de répondre. Cependant ma patience serait mise à l'épreuve cette année. Après un soupir je me laissai tomber de nouveau sur mon lit. Je me mis prier silencieusement pour que la troisième personne de cette chambre soit un être qui apaise la colère permanente de mon nouveau colocataire.

Alors, doucement, le sommeil me repris. Je somnolais à vrai dire. Je crois que je n'aurai pas pu dormir en toute sérénité près de celui qui envoyait des ondes si agressives. Enfin, le temps le calmerait surement.

Il ne répondait pas, c'était sans doute mieux, à la place il se rallongea et sembla commencer à s'endormir. C'était étrange. Je n'avais jamais vu quelqu'un s'endormir aussi rapidement. Mais bon, je décidais de me replonger dans ma lecture.

La chambre était enfin tranquille. Entre l'autre qui dormait et moi qui lisait, c'est sûr que rien ne pouvait se passer. Mais je ne vais pas m'en plaindre. J'aime le calme et le silence.

Je levais alors un œil vers mon colocataire pour m'assurer qu'il dormait quand mon regard se posa sur quelque chose à ses côtés. Il s'agissait d'une guitare. Je l'avais vue plus tôt mais elle m'était sortie de la tête, surtout que je dois avouer que j'étais surpris qu'il sache en jouer. De plus cela avait piqué ma curiosité. J'avais envie de lui demander s'il savait en jouer.

Mais ce n'étais que de la curiosité et puis, il ne voudra sans doute pas m'adresser la parole. Même si je suis curieux.

Mon regard vola pendant plusieurs minutes de la guitare à mon livre. J'essayais de me concentrer dessus mais je n'y arrivait pas. La curiosité était trop forte.

Je m'éclaircis la gorge afin de voir s'il était endormi ou s'il était disposé à me parler.

Alors que j'hésitais à me laisser aller au sommeil, j'entendis mon voisin s'éclaircir la gorge. C'était quoi ça ? Moi qui le croyais vexé et énervé, ça n'avait finalement pas duré longtemps.

Mais je ne savais que faire ? Que voulait-il ? En espérant que ce ne soit pas un prétexte pour qu'il s'énerve une fois de plus j'ai fini par lui demandé d'une voix ensommeillée :

Oui ?

J'ouvris mes paupières qui étaient lourdes, attendant sa réponse. Il me semblait disposé à parler, mais peut-être n'était-ce qu'une impression. Finalement je décidai de m'assoir afin d'éviter de m'endormir en pleine conversation. Je n'avais pas besoin de ça.

C'était vraiment gênant. Je venais de l'insulter délibérément et pourtant il ne semblait pas m'en vouloir. De plus, j'étais celui qui commençait la conversation. Moi ! Je commence une conversation. Un jour je la tuerai ma curiosité. Elle ne sert à rien si ce n'est à m’embarrasser.

Mais, tout de même, je trouve cela surprenant qu'il me réponde. J'ai l'impression qu'il ne m'en veut pas. Il doit avoir des déficiences mentales, s'il ne m'en veut pas alors que je viens de me comporter comme... Comme moi-même.

Raah ! Voilà que je pense des trucs stupides. Surtout que je dois pas avoir l'air abruti à ne pas répondre... Bon, je me lance.

Tu.. Hum... Tu joues de la guitare ?

Si c'est possible de faire plus débile comme question je demande à voir. C'est pourtant vraiment visible qu'il doit en jouer s'il en a une ! Je vais vraiment arrêter d'essayer d'être sympa, je ne fais que me ridiculiser.

Sa question me surpris. Ma guitare ? Non j'en avais une pour la déco' bien sur ! OK, c'était pas le moment pour l'ironie, il cherchait surement à faire la conversation, histoire que notre échange en reste pas sur l'oreiller. Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement en regardant ma chère et tendre. Je la pris délicatement. Je n'arrivais pas à détourner mon regard, c'était le seul cadeau de mon père et j'y tenais vraiment. Tout en la caressant, je levais mes yeux vers mon interlocuteur, je n'allais pas le faire attendre éternellement, mais ma réponse serait implicite alors, je lui ai demandé :

Je te joue un petit air ?

Il semblait intéressé par ma guitare. Un sujet sur lequel je n'avais pas peur de parler un peu. Je me demandais s'il s'y connaissait un peu en musique, peut-être jouait-il, lui aussi, d'un instrument. Aurais-je la chance de reconstituer un groupe dans cette pension ?

Je le regardais prendre sa guitare en souriant. C'était quoi ça ? J'ai jamais vu quelqu'un regarder un objet en souriant. Ou un instrument de musique pour ce que ça change. Mais bon, ce serait sympa qu'il me réponde parce que là... Je veux pas dire mais j'ai l'impression que je fais plus social que je ne l'ai jamais été. C'est juste tellement bizarre.

Et puis, il me demanda si je voulais qu'il me joue un truc. Je dois avouer que j'hésite un peu... J'ai toujours aimé écouter de la musique. Plus jeune j'ai même voulut apprendre à jouer d'un instrument, comme tous les enfants, mais je n'en ai jamais eut l'occasion.

Quoi qu'il en soit, je hochais légèrement la tête. J'aime bien lire avec de la musique... Et puis, cela avait l'air de lui faire plaisir... Je suis vraiment gentil pour l'instant. Même s'il est stupide, faut que je pense qu'il sera mon colocataire pour toute l'année donc autant montrer un minimum de gentillesse. Je suppose.

Mon colocataire n'étant pas très réactif je finis par levé la tête. Juste à temps pour le voir faire un léger hochement de tête. Il devait me trouvait bizarre d'avoir ce léger sourire, mais une fois ma guitare dans les mains, j'étais plus le même, je voyais la vie en rose. Un peu. C'est surtout qu'avec elle je savais comment oublier mes ennuis. Je me vidais la tête. Alors vérifiant qu'elle soit bien accordée, j'ai commencé à jouer un air mélancolique mais doux, tout en fredonnant. J'avais composé cet air mais je n'avais pas encore trouvé de parole, à vrai dire je le trouvais si beau que rien n'allait plus avec lui. Alors juste cette mélodie résonnait dans la chambre. Un bel écho m'accompagnait.

Sept minutes plus tard, j'avais fini. La musique était encore présente dans ma tête, c'était mon air préféré.

Je repris alors conscience. J'étais dans ma nouvelle chambre, avec mon premier colocataire, le retour à la réalité était toujours un peu difficile. Je me demandais tout de même ce que pourrait bien en penser celui-ci.

Il accorda sa guitare et commença à jouer. Je pris donc mon livre afin de poursuivre ma lecture tout en écoutant la musique mais dès que les première notes retentirent, je ne pus garder mon esprit concentré sur ma lecture. La mélodie était très belle... Enfin, c'était pas mal ! Mais il y avait mieux... Non, je ne fais pas preuve de mauvaise fois... Ou peut-être un peu...

Mais je dois avouer que la mélodie était triste. Vraiment. Je n'avais qu'une envie c'était de m'allonger et de laisser la musique m'emporter.

Pour un abruti, il joue vraiment bien je trouve.... Enfin, c'est pas si mal !

Quand la musique se finit, j'étais un peu déçu, j'aurai bien aimé que cela continue. D'ailleurs, mon colocataire à l'air de tomber d'un nuage vu la tête qu'il fait. Un peu plus et je rirai. Presque. Mais je suppose que je dois dire quelque chose...

C'était... Pas mal...

Je repris un visage neutre, attendant une quelconque réaction de mon colocataire qui m'avait écouté attentivement contrairement à ce que je pensais. Mais son commentaire minable n'était vraiment pas très sincère. Enfin on va dire que c'était positif. Je pris quand même la peine de le mercier avant de poser ma guitare délicatement sur le lit.

Merci.

J'eus peut-être une voix un peu désinvolte d'accord, mais c'était mon meilleur morceau et il en avait fait pleurer plus d'un. D'une. Oui je joue le plus souvent devant un public féminin. Ça marche bien comme technique de drague j'y peux rien. Bref, je suis passé outre.

Trouvant le moment plutôt propice à la discussion, oui étrangement j'eus l'impression que là, il essayait de sympathiser, je lui posais la question qui me trottait dans la tête.

Et toi, tu joues ?

J'ai été surpris quand il m'a remercié. J'ai pas vraiment l'habitude qu'on me remercie. Surtout que j'ai pas été très honnête. Il joue vraiment bien. Pas que je lui dirai un jour, faut pas rêver. Mais quand même.

J'aurai peut-être dû essayer de dire quelque chose de plus sympa... Mais ce n'est pas dans ma nature donc cela n'a aucune importance. Surtout que je suis certain que cette musique à pour but de faire pleurer. Je me demande comment il aurait réagi si j'avais éclaté en sanglot. Rien que l'idée est ridicule.

Puis il me demanda si je jouais. Bien sûr que non ! Je n'ai jamais eut l'occasion d'apprendre. Sauf quand nous avons arrêté de voyager, mais à ce moment là mon intérêt pour les instruments de musique s'était déjà envolé.

Non.

Je ne peux pas couper la conversation comme ça. J'essaie d'être plus ou moins sympathique moi.

Qui a composé ce morceau ?

Un petit espoir naissait en moi, la musique était mon échappatoire et si l'occasion de former un groupe de nouveau s'offrait à moi je devais la saisir. Évidemment, avec lui, ça ne serait pas simple, mais... Je fus coupé dans ma lancée. Non, il ne jouait pas. Sa réponse était claie, nette et précise. J'ai adoré. Mais alors que je crus que la conversation s’arrêtait là, il me demanda qui avait composé cette chanson. Je ne sais si c'était pour combler les blancs, par pure curiosité ou s'il s’intéressait un peu à moi, mais je me sentais mieux et cette discussion me paraissait de plus en plus détendue et vraie.

C'est moi, l'un de mes premiers morceaux.

Réponse courte et simple. C'était le genre de dialogue qui me faisait rêver, sur ça je crois qu'on s'entend plutôt bien.

Ce morceau comme la plupart de mes morceaux, je l'avais composé en pensant à ma mère. Ça fait clicher de dire que les sentiments se ressentent dans une chanson, je sais, mais j'y crois.

Il mit un certain temps avant de me répondre que c'était lui-même qui l'avait composé. Ca alors. J'en était ébahi. Si on m'avait dit que mon colocataire serait un musicien et un compositeur, j'aurai ri. Mais, là je ne pouvais pas rire... A moins qu'il me raconte n'importe quoi. Mais il avait l'air sincère. Je crois.

Vraiment ? T'en as composé beaucoup ?

... J'ai déjà dit que je haïssais ma curiosité mal placée ? Vraiment ! Non mais quelle idée de poser ce genre de questions. Bon, il est vrai que ça comble les silences, mais tout de même ! Surtout que moi, le silence ne me dérange pas. Là c'est vraiment bizarre que j'essaie de le briser. Mais j'ai l'impression que la musique à l'air de le passionner. Pas que ça m'intéresse de savoir ce qu'il aime... Mais comme on va cohabiter, autant apprendre à se connaître. Enfin, j'apprends plus ou moins à le connaître. Aucune envie qu'un idiot apprenne à me connaître, moi.

Je crus apercevoir un petit air de surprise qui traversa le visage de mon colocataire, mais je n'aurais pas pu l'affirmer s'il ne l'avait pas formulé (sa surprise). Il me demanda alors si j'en avais composé beaucoup. Ça me faisait plaisir de parler un peu, même si cette conversation était un peu étrange. Au moins, elle nous permettait de faire vaguement connaissance, enfin IL faisait MA connaissance et pas l'inverse. A vrai dire je n'osais pas trop lui poser de questions, il ne m'avait pas l'air disposer à raconter sa vie, alors pourquoi l'embêter ?

Pour l'instant, seulement trois. J'arrive à faire que dans le mélancolique alors j'métale pas trop.

Oui je sais j'aime bien les questions et réponses courtes, mais plus on me parle, plus je m'habitue et il commençait à m'amadouer. Pas assez pour que je dise plus de deux phrases d'accord, mais ma langue se déliait un peu. Je parle pas souvent faut dire, alors si on me lance... Mais qu'il ne s'imagine tout de même pas que je suis du genre à raconter ma vie !

Je me perdais dans mes pensées. Finalement, j'étais pas tombé sur le pire des colocataires. Un peu grincheux je vous l'accorde et pas très bavard, mais on arrivait tout de même à tenir une petite conversation. Il avait bon fond j'en étais sûr, mais fallait tout de même prendre patience. Il me sortit alors de cette réflexion, me demandant si je comptais en composer d'autres.
A vrai dire, je n'en savais trop rien. L'inspiration ça va, ça vient. En tout cas j'aimerais bien faire une compo' un peu moins triste que les autres. Mais, arriverais-je ?

Faudrait que je sois bien inspiré.

J'avais rit doucement. J'aurais bien aimé, moi, être un génie, mais c'était pas aussi facile. Oh et puis après tout je préfère pas me prendre la tête, on verra bien ! Qui sait, un jour peut-être j'aurais une longue liste de morceaux.

Alors que j'attendais une quelconque réponse de mon interlocuteur, la conversation étant pas mal engagée, il se leva sans mot dire. Je l'observais calmement. Se dirigeant vers la porte il l'ouvrit, je compris alors qu'il me laissait en tête à tête avec moi-même. Je ne pensais pas l'avoir vexé et je ne me remettais pas en question. Un léger signe de la tête de sa part me signalant son départ, me confirma qu'il n'était pas parti par ma faute. Peut-être que notre conversation était trop ennuyeuse. Enfin, me voilà seul.

Je pouvais alors me reposer. Me rallongeant sur le lit, je regardais un instant le plafond avant de fermer les yeux. Je m'endormis assez vite, l'esprit tranquille, un petit sourire aux lèvres. Je me sentais bien ici, encore du travail pour vivre avec mes colocataires, mais j'étais mieux que chez moi, y a rien à redire.