Du haut de son petit mètre cinquante-huit, Akao ressemble à tout sauf à une jeune femme de tout juste 18 ans. Ayant un corps faisant fantasmer pas mal de personnes – généralement beaucoup plus âgées qu’elles –, la demoiselle ne pèse que 42 kilos – ce qui est très peu pour son âge, vous en conviendrez –.
Son style vestimentaire – assez particulier – rebute un certain nombre de personnes. Qui voudrait parler à une jeune fille – quand bien même elle serait jolie – couverte de piercings, l’œil droit masqué par un ridicule morceau de tissus noir, portant un collier semblable à celui d’un chien enragé autour du cou, d’étranges gants couverts de pics acérés et des vêtements provocants incitants à la noirceur ? Pas grand monde, vous vous en doutez.
Akao ne se sépare jamais de son sac à dos – celui-ci contenant tout l’attirail de la parfaite petite dealeuse, car oui, la belle consomme tout un tas de produits illicites et ne s’en cache pas du tout, refourguant sa marchandise aux personnes désireuses de foutre leur vie en l’air, tout comme elle –.

Mais pour pouvoir se payer sa dose quotidienne, il faut de l’argent, beaucoup d’argent, mais ce n’est nullement un problème la miss aux talons aiguilles ; une partie de jambe en l’air dans le fond d’une ruelle, à l’abris des regards indiscrets – ou pas – et c’est fait, le portefeuille se remplit plus rapidement qu’il n’y paraît prêt à être vidé de nouveau d’une seule traite.
« FUCK LA POLICE ! » Combien de fois n’aura-t-elle pas hurlé cette phrase au beau milieu de la foule pour attirer l’attention sur elle ? Le commissariat de police, elle le connaît bien. Depuis sa plus tendre enfance, elle est trempée dans le monde de la dépravation et de la criminalité. Fille d’un père alcoolique et d’une mère prostituée, ne fréquentant que des personnes à problèmes – drogués, alcooliques, suicidaires, etc – depuis son entrée au lycée. À quoi fallait-il s’attendre de plus ?
Akao déteste les êtres humains, tous les êtres humains. La personne qu’elle déteste le plus ? Elle-même, elle qui est le reflet de ces rebus de la société que sont ces parents. Elle qui a copié le comportement odieux de ses soi-disant amis. Elle qui se complait dans cette vie minable. Elle se hait plus que tout au monde. Pourtant, elle ne changera jamais. Elle ne quitterait pour rien au monde le pseudo-confort de sa vie sans foi ni loi.

My life ? De la merde, de la merde pure. Je suis née de parents sans-emploi dans une grange (sans déconner). La grande classe, quoi. Mes géniteurs avaient trouvé refuge dans la ferme d’un de leurs vieux amis – qui leur avançait souvent du fric quand mon père avait tout dépensé pour boire son pot –.
Enfance tout aussi merdique. Entrée en maternelle : aucun ami. Qui voudrait traîner avec une gamine qui pue la clope et la pisse ? Prise de conscience, aussi. Se rendre compte que sa mère couche avec le proprio de la planque pour rembourser les dettes de son enfoiré de mari, ça a de quoi forger une personnalité assez particulière chez l’enfant.
Entrée en primaire : la continuité de tout le reste.
Entrée au collège : idem.
Entrée au lycée : quelques amis, tous des dépravés. Je connaissais déjà les fumeurs, les alcooliques et les prostituées. Je venais alors de faire la connaissance des dealers, des dépressifs et des suicidaires. J’ai commencé à fumer le joint à l’âge de 16 ans pour faire comme mes potes. Je voulais être acceptée et ça a plutôt bien marché. Un gang composé d’un dealer et de ses plus fidèles clients m’a recruté.
17 ans : le décès de ma mère, assassinée par on ne sait qui. Et si c’était mon père ? Aujourd’hui encore, je me pose la question. Aucune preuve, que des soupçons. Comment savoir ?
18 ans : le pote de mon père ne veut plus de moi dans sa baraque. Il songe sérieusement à me jeter à la porte. Il dit que je me rapproche du secret. Alors ce sont eux qui ont tué ma mère ? Mon père refuse de m’abandonner à la rue. Il cherche un pensionnat, loin de cette bicoque de malheur. Il trouve.
Il m’accompagne à la gare. Ticket à sens unique. Je monte dans le train. Je m’assieds sur une banquette miteuse dans le fond du dernier wagon, ça me rappelle un peu mon ancien chez moi. Je ferme les yeux et m’endors. Pensionnat Yorihiko, me voilà.