Qu'est-ce que tu fabriques ici Haru ? Qu'est-ce que tu fabriques avec lui ?

J'aurais sans doute répondu à ces question si j'avais les réponses ; mais dans ma tête c'est le gros bordel ; donc je suis encore avec lui, même si je m'étais dit la veille qu'aujourd'hui, je le quittais pour de bon. Je suis sans doute trainée par une folie qui va finir par avoir raison de moi parce que Jun n'est rien d'autre qu'une mauvaise fréquentation. A chaque fois que je suis avec lui, je me retrouve dans la merde. A chaque fois que je me retrouve avec lui, je finis par prendre cher parce que ce n'est pas la personne la plus calme que je connaisse. Il s'énerve beaucoup trop facilement Jun. Et sans doute est-il aussi beaucoup trop possessif...


Jun - J'crois qu'on devrait se tailler de cette ville.


Mes pas ralentirent légèrement tandis que j'essayais de traiter l'information calmement ; j'aurais sans doute pu m'arrêter si ma main n'était pas dans la sienne. Et ma main dans sa main, ce n'était pas forcément très rassurant. Un si frêle poignet pourrait se briser trop facilement vous ne pensez pas ? Moi j'y pense constamment.


Haru - Mon cœur, c'est pas possible ; j'ai ma famille, mes amis, une grande partie de ma vie dans cette ville, j'peux pas tout plaquer comme ça.


Il me fait encore part de ce qu'il pense à propos de mes amis -j'ai trop souvent entendu ce discours- et alors il se met à s'énerver au beau milieu de cette ruelle vide, en cet après-midi. Il m'explique que tout serait plus facile si on partait ; y'aurait plus de soucis, on serait ensemble pour de bon, on serait bien. Rectification que je n'ai pas pris la peine d'énoncer de vive voix ; il serait bien. Il me dit que c'est ça le problème ; il m'aime plus que moi je l'aime et m'accuse de me foutre de ses sentiments. Parole qu'il combine à un geste qui me repousse violemment à quelques mètres de lui, je manque de tomber mais m'appuie alors contre le mur. Je lui dit alors que je ferai mieux de rentrer et avant même que je puisse faire quoi que ce soit, sa main se referme autour de mon poignet et il me dit;


Jun - Tu restes avec moi, dis à ta mère que tu rentres lundi.


Nous sommes vendredi après-midi ; sans doute une rue à côté des enfants sont en train de s'amuser et le temps est rarement aussi beau sur la ville. Qu'est-ce ce que fabrique ici ?

J'avais décidé de faire un tour en ville cet après-midi. Il faisait beau plutôt doux. Peut-être un peu trop parfait.

Sans mes valises et sans ma guitare, je me sentais léger. Je vagabondais aléatoirement aux alentours du pensionnat. Avec ma chemise noire à demi ouverte, mon baggy et ma démarche posé, je devais être le cliché même du jeune qui n'a rien à faire et qui traine dans les rues. Tout étais plutôt calme. Je finis par tourner dans des ruelles, un peu comme un labyrinthe, j'essayais de me perdre. Alors une discussion attira mon attention, en fait ça n'avait pas vraiment l'air d'être une discussion. C'était pas vraiment mon genre d'espionner mais c'était la seule ruelle où je pouvais encore avancer et je n'avais pas envie de fuir, pardon, de faire demi-tour. M'appuyant à l'angle d'un mur, j'observais la scène. Je passerais mon chemin si tout cela était ordinaire.

Je compris alors que cette discussion qui me semblait si étrange était en fait une sorte de dispute de couple. Cependant elle n'avait pas l'air banale. Je remarquai que celui qui m'avait semblé être le copain de cette fille la tenait un peu trop fermement. Lorsque j'entendis la voix de la fille, celle-ci ne me parut pas très sûre. Ces paroles n'étaient pourtant pas dénuées de sens, je dirai même qu'elle y tenait. Alors qu'elle essayait de se défendre avec les mots, je vis "son copain" attraper violemment son frêle poignet. Il semblait quant à lui, un peu trop sûr à mon gout. Je ne sais pas vraiment pas pourquoi mais cela me mit soudainement en colère, je ne pouvais en supporter davantage. Surement qu'il ne fallait pas gâcher une si belle journée. Je décidai d'intervenir. Ce n'était pas mes affaires mais cette fille me semblait bien trop perdue et je ne pouvais la laisser ainsi.

Je m'avançais donc en direction du couple, la fille aux cheveux bleus était dos à moi et je regardais "son copain" durement. Arrivé juste derrière la fille, je parlais d'un ton ferme. Assez grand et sportif, j'avais bien des chances s'il voulait se battre. Mais ce genre de mec n'était pas souvent très courageux.

Lâche là.

Je ne le quittai pas des yeux, et je montrai clairement dans mon regard que je n'allais pas fuir. Que j'étais prêt me battre, mais surtout, que j'allais l'amener avec moi. Loin de lui.

Curieusement l'idée de passer un weekend entier avec lui n'avait plus rien d’idyllique ; dans ma tête, je me voyais déjà finir à l'hosto avec les parents qui débarquent sans comprendre toute l'histoire ; ils avaient acceptés que je parte dans ce pensionnat pour être au calme et finalement rien de tout ce qu'ils avaient imaginés ne se produisait ; je me retrouve avec un copain rendu violent pour toutes les raisons du monde mais qui ne peut pas vivre sans moi. Moi aussi je pensais que je ne pourrai pas vivre sans lui. Il était devenu toute ma vie en si peu de temps vous savez ? Puis au moment où il a commencé à s'endurcir, froncer les sourcils et en venir à la violence... Les choses sont devenues différentes et très compliquées. Sans doute trop compliquées pour que mes amis comprennent la situation.


C'est le cœur tremblant que je réfléchis à une façon de calmer cette situation avant qu'elle ne devienne grave car techniquement ce n'est pas encore le cas ; quand je ne tiendrai plus sur mes jambes et que j'aurai du mal à respirer elle le sera. Je parle maintenant de tout ça comme si c'était devenu une habitude. Depuis quand ? Depuis quand il me frappe et il me demande d'oublier ? Depuis quand l'amour s'associe à la violence ? J'ai jamais eu l'amour facile mais il faut croire que je suis tombée sur le mauvais d'entrée. Et maintenant tous les soirs je me promet de le quitter sans parvenir à associer paroles et gestes.


Haru - Jun...-

Satou - Lâche là


Non non non, je me dis dans ma tête ; le fait que quelqu'un intervienne ne va certainement pas arranger la situation... J'ouvre la bouche pour intervenir, pour dire à ce visage que je ne vois pas que ce n'est pas la peine et que ça va, mais Jun ne me laisse pas le temps de faire quoi que ce soit. Il lâche mon poignet pour alors se diriger vers cette personne qui était partie sur de bonnes intentions. Personne que je reconnaît immédiatement quand je vois son visage. J'agite légèrement les mains pour lui faire comprendre que ce n'est pas la peine et lui dit alors ;


Haru - Ça va, tu n'as pas besoin d'intervenir, ça va.


Jun - C'est à cause d'un de ces petits merdeux que tu peux pas quitter la ville, c'est ça ? Il me demande avant de se tourner vers lui, Tu l'as entendue ? Elle t'as dit que ça allait, pas besoin de tes services mec, tu peux te casser, elle reste avec moi.



Comme à son habitude, provocateur, il s'approche dangereusement de Satou, sourire en coin et à ce moment là je sens que la situation va mal tourner avant même qu'il n'ait fait quoi que ce soit.

Je ne sais pas pourquoi cette situation me mettait si mal à l'aise, car finalement, je n'étais pas quelqu'un de violent. J'avais gardé mon calme face à des menaces peu charmantes et bien souvent je ne réagissais même pas. Quoi qu'il en soit j'étais désormais mêlé à cette affaire. Et plus j'observais la fille plus je me rendais que cette histoire ne datait pas d'hier. Elle semblait si frêle, si fragile, comment ce mec pouvait-il la traiter ainsi ? Je remarquais quelques égratignures, était-ce lui ? Pouvait-il la battre régulièrement ? Était-ce possible ? Non, vraiment, je n'arrivais même pas y croire. Je m'étonnais encore de la situation lorsque la fille me dit que je n'avais pas besoin d'intervenir. Le ton de sa voix cachait tout juste le mensonge, on sentait bien qu'elle n'allait pas bien non, que la situation n'était pas normale. L'horrible idée qu'elle s'y soit habitué me traversa la tête. Pouvait-on réellement s'y habituer ? Je perdis le fil de mes pensées, de nouveau interrompu. Cette fois par une voix bien plus affreuse et brutale. Je ne sais pourquoi il était à ce point énervé mais cela ne prévoyait rien de bon. Il s'appuyait sur les propos de la fille pour me faire partir, comme s'il ne remarquait pas même que ces propos étaient totalement décalés.

S'approchant avec un peu trop d'assurance près de moi, il avait une sorte de sourire en coin qui m'énervait. Je ne bougeais pas et à peine fut-il arrivait à la bonne distance que de toutes mes forces je lui mis mon poing dans la face. Le choc le fit vaciller, je n'y étais vraiment pas allé de main de morte. Avec un peu de chance je lui avais même cassé le nez.

Mais je ne pris pas le temps de savourer car dans l'histoire, il y avait cette fille, et si ce mec disait être son copain elle devait surement déjà m'en vouloir. Je ne pris pourtant pas la peine de la consulter.

Excuse moi.

Oui, je pris tout de même la peine de m'excuser, ça me semblait tout de même important, qu'elle comprenne que je n'étais pas là pour le plaisir. Alors avant même que "son" mec reprenne ses esprits je lui dis fermement :

Ouvre les yeux ! Aimer n'est pas synonyme de battre !

J'aurais bien continué le discours mais je ne voulais plus avoir à faire de nouveau avec ce mec qui n'en était même pas un. Alors, prenant la main de la fille, je lui fis un signe de la tête. Pas pour lui laisser le choix non, ça, elle l'aurait plus tard, juste pour la prévenir. Car la tenant ainsi, je me mis à courir, la prenant avec moi. Je n'allais pas à mon tour la frapper, n'en doutez pas, je voulais juste l'emmener loin d'ici. Je la relâcherai plus tard, et elle y retournait si tel était véritablement son souhait, mais pour l'instant, je lui évitais juste une engueulade et une baston. Autant pour moi que pour elle.

Après avoir tourné dans quelques rues et avoir trouvé un coin assez calme, reculé et surtout un peu plus loin, je m'arrêtais, me retournant enfin, voir dans quel état pouvait être la demoiselle. Je m'imaginais toute les situations possibles mais plus je réfléchissais plus je me disais qu'en me retournant j'aurais de grandes chances de me prendre une gifle.

Le coup part sans prévenir ; Jun porte ses mains au niveau de l'endroit atteint -non sans insulter cette personne que je connais de vue- c'est au niveau du nez et il saigne énormément ce qui malgré moi m'inquiète. Mon idiotie me ferait presque revenir vers lui ; chose que j'aurais sans doute faite si ce jeune homme ne m'avait pas emmené avec lui peu de temps après m'avoir présenté ses excuses pour les dommages causés. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi hn ? Mon copain lève la main sur moi et ça ne m'empêche pas par moment de revenir naïvement vers lui en espérant qu'il s'agisse d'une simple erreur.

Une phrase prononcée par le jeune homme m'est cependant restée dans la tête ; même s'il s'adressait sans doute à Jun ; "Ouvre les yeux ! Aimer n'est pas synonyme de battre !" ... S'il pense qu'il est capable de comprendre ce genre de choses alors il se met malheureusement le doigt dans l'oeil tout comme je l'ai fais en pensant que cette relation ne pouvait m'apporter que du positif dans ma vie.
Et maintenant on quitte cette ruelle ; ou plutôt il m'emmène avec lui pour que je sois loin de ce qui va me conduire à ma perte. Je pense à la quantité monstre de sang qu'il est en train de perdre et ça me fais m'inquiéter alors qu'il ne s'est pas inquiété pour moi quand je me suis retrouvée dans l'ambulance à cause de ses coups. Je vous parle pas des coups qui ne laissent pas de traces ; je vous parle d'avoir du sang sur le visage , de sentir ses côtes se briser et avoir du mal à respirer et malgré tout essayer de marcher.

Ce jeune homme m'emmène loin de tout ça mais pourquoi est-ce que je me sens si mal ? Pourquoi est-ce que j'éprouve le besoin de retourner sur mes pas ? Je me contente de suivre cet inconnu dont je connais le visage et lorsque finalement on s'arrête j'essaie de trouver les mots justes pour le remercié même si une partie de moi lui en veut énormément. C'est stupide n'est-ce pas ? Il se retourne et je me penche alors pour le remercier, ne trouvant pas les mots justes pour exprimer ce que je ressens à ce moment précis ; la situation étant beaucoup trop compliquée.


Je ne sais pas combien de temps je passe comme ça avant de me redresser. Une question que je traine depuis trop longtemps cependant me dépasse ;


Haru - Est-ce que si tu aimes énormément tu survis à la douleur ?

Je sentais bien que cette fille m'en voulait, quelque part au fond d'elle, mais elle ne me gifla pas pour autant. D'ailleurs elle ne dit rien. Je m'étais retourné prêt à entendre tout et n'importe quoi, en fait, surtout n'importe quoi. Mais elle restait silencieuse. Elle semblait à la fois rassurée d'être ici mais aussi inquiète d'avoir laissé derrière elle cette personne qui comptait bien trop pour elle. Alors que je me demandais si j'avais bien fait de me mêler de ce genre d'affaire, la fille me posa une question. Je ne m'y attendais pas et je fus surpris par cette naïveté. Elle devait l'aimer oui, vraiment, mais son amour était à sens unique et ça, elle avait besoin de l'entendre, alors, Satou ne tourna pas autour du pot mais comme il savait que sa franchise serait dure à entendre, il parla d'une voix douce, répétant ces pensées sans y réfléchir plus longtemps :

Ton amour est à sens unique, je le sais, car lorsqu'on aime une personne, on en prends soin, et par-dessus tout, on veut son bonheur. Et tu n'es pas heureuse sous ses coups, tu n'y survivras pas non, tu pourrais même en mourir. Mais ça ne sera pas finis pour autant tu sais, il se trouvera une autre fille, comme toi, qu'il battra tout aussi fort.

Je n'avais pas l'habitude des longs discours, mais je ne pouvais pas m'arrêter. C'est comme si, lorsqu'elle m'écoutait, je pouvais encore la ramener au réel, mais j'avais peur, que si je m'arrêtais, elle retourne dans son monde. Ce monde affreux dans lequel elle s'était enfermée. Mais je ne pouvais pas continuer indéfiniment et il fallait que seule, elle comprenne que quelque chose n'allait pas et qu'il fallait que cette situation prenne fin. Et vite. Très vite.

Je n'étais pas un grand fumeur mais j'avais toujours un paquet sur moi, j'en avais besoin pour me détendre et ça me passait les nerfs, j'y étais pas accro mais je ne pouvais pourtant pas m'en séparer. Cette situation que, étrangement, je prenais à cœur, me stressait violemment. Pour tout dire, c'était cette fille qui acceptait les coups, qui me stressait. Alors, je m'assis sur le rebord du trottoir, sortant mon paquet. Allumant ma cigarette, je jetai tout de même un regard à la jeune fille. Je lui tendis une clope comme pour lui demander si elle en voulait une. Ici, les mots étaient futiles. Elle en prendrait une si besoin et n'en prendrait pas si elle n'en voulait pas. Mais en ce moment, une clope garantirait le retour au calme de Satou.

L'amour demande parfois des sacrifices ; mais le problème c'est que notre histoire a mal tournée au point de devenir dangereuse pour moi. Notre histoire se base sur des promesses que finalement il n'est pas capable de tenir ; il m'a promit que c'était la dernière fois qu'il levait la main sur moi parce qu'il m'aimait trop pour pouvoir continuer à me faire du mal mais tout ça c'est devenu faux. Est-ce que si on aime énormément on survit à tous ces problèmes ? Je lui demande et il me répond que cet amour est à sens unique et que je pourrais en crever. Crever d'amour et de violence -mais plus de violence que d'amour enfaite. Il me dit qu'il en retrouvera une autre et que finalement, le même scénario se reproduirait. Des tas de phrases qu'au fond j'avais besoin d'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre... Mais des paroles que je n'arrivais pas pour autant à accepter.


Haru - C'est pas... I-il pourrait pas tout recommencer avec une autre.


Enfaite il le pourrait ; une éventuelle rupture ne lui briserait pas le coeur, ni les côtes. Il pourrait tout recommencer avec une autre et m'oublier en me rayant du cahier censé représenter sa vie. Il pourrait, comme il pourrait me tuer si je le quittais... mais je ne veux pas digérer l'information pour le moment. C'est trop dur ; ça fait trop mal... Pour me changer un peu les idées, je me met à marcher sans pour autant m'éloigner du jeune homme qui m'a évité des ennuis. Je sens mon téléphone vibrer dans la poche de ma veste ; c'est probablement lui mais je ne répond pas, pas maintenant du moins...
Acceptant la clope qu'il me propose, je finis par m'asseoir à côté de lui, au bord du trottoir et alors laisse quelques minutes de silence s'écouler.


Un nuage de nicotine s'échappe de mes lèvres et ne tarde pas à disparaître. Je songe à cet hôpital dans lequel je me suis retrouvée, à la tête que mes parents auraient fait s'ils avaient étés présent mais aussi... Aussi de l'absence de Jun dans des moments comme ceux là. Et puis à côté il y a son sourire qui vous réchauffe automatiquement le coeur, cette personnalité qui ne colle pas avec le type violent de la ruelle, ni au type violent tout court enfaite. Parfois je me demande ce que je fiche encore avec lui mais cette question s'efface sans que je ne trouve de réponse valable. Sans regarder le jeune homme à côté de moi je dis alors ;


Haru - Je ne l'ai pas connu comme ça ; c'est lui qui m'a sorti de ma bulle rendue terne par la routine et on était bien, on vivait une relation saine, on était bien... Et puis du jour au lendemain les choses ont changées quand j'ai commencé à me faire des amis et à être moins présente pour lui... Tu vois, j'peux pas m'empêcher de me dire qu'il y a de l'espoir, même si par moment je me dis que je vais vraiment le quitté cette fois... J'peux pas m'empêcher d’espérer que tout redevienne comme avant et c'est peut-être con, j'ai peut-être l'air de la fille aveugle qui veut pas ouvrir les yeux -peut-être même qu'au fond, je suis ce genre de filles- mais... C'était lui tu vois...

Cette fille qui me semblait perturbée intérieurement, restait sur place. Elle devait certainement réfléchir à mes mots, ce qui finalement me rassura : elle ne niait pas en bloc et même si elle avait du mal à accepter la réalité, elle y arriverait surement un jour. Si d'ici là elle était encore vie, évidement. Car pour parler franchement, je ne me faisais pas beaucoup d'illusions quant à la fin de cette relation. Après une certaine réflexion elle ne résista pas pourtant à le défendre. Il n'était pas comme ça non, il ne pourrait pas tout recommencer avec une autre, qu'est-ce que je disais ? Des âneries bien sûr ! Non, sincèrement, je retenais les sarcasmes. C'était vraiment pas le moment c'est sûr, mais si elle s'entendait ! Si seulement elle pouvait voir sa vie avec recul ! Je suis sûr qu'elle se traiterait elle-même d'idiote.

Je ne préférais donc rien dire, peut-être mon silence parlerait plus d'ailleurs. Je voulais espérer encore une fois, qu'elle y réfléchisse un peu plus. Mais j'étais bien parti pour faire toute une conversation sur le sujet. Finalement, après avoir fait quelques aller-retour, elle se décida à prendre une clope et finit par s'assoir à mes côtés. Je commençais enfin, pour ma part, à reprendre mon calme. Il faut dire que, comme je ne laisse que rarement, très rarement, mes sentiments prendre le dessus, une fois qu'ils explosent, j'ai parfois du mal à me reprendre. En reprenant donc mes esprits, je me demandais une dernière fois quelle curieuse idée m'avait pris de me mêler de ce genre d'affaire. Ne trouvant aucune excuse valable je remis la question à plus tard. C'était, de toute façon, trop tard. Et puis comme ça, j'avais fait ma bonne action de la journée. J'essayai de me convaincre. Un long silence s'installa entre nous. Nous nous remémorions les évènements, d'une manière certainement totalement différente. Elle prit alors la parole, long discours en défense ce qui avait été un jour, son copain. Certes, il n'avait pas toujours été comme ça et il l'avait d'ailleurs sorti d'un monde bien terne, mais je me demandais si elle se rendait compte que ce n'étaient pas des excuses suffisantes. Elle avait tout de même l'air à moitié sensible au monde réel, mais c'est comme si elle ne voulait pas l'accepter. A me parler de son copain comme le centre du monde et presque le seul homme de la terre, ce qui devait l'être pour elle, je tentais encore de lui faire reprendre raison :

Tu sais t'es une jolie et gentille fille, alors crois moi, des mecs bien, tu peux en trouver. Et par "mecs bien" j'entends des mecs qui prendraient soin de toi. Et la violence est bien exclu de leur vocabulaire. Et la question qui se pose vraiment, c'est pourquoi t'es avec lui ? Ou plutôt, pourquoi tu restes avec lui ? Si c'est parce qu'il est devenu le centre de ton monde, tu devrais te demander de quoi est composé un monde. Et la réponse c'est pas d'une seule personne. Si c'est pas déjà fait, tu vas perdre tes amis et ta famille. Et là tu seras seule, seule face à lui. Tu ferais mieux d'apprendre ce que veut dire "bonheur", avant qu'il soit trop tard.

Je parlais bien de sa mort prématurée si elle restait avec lui. Mais je ne savais pas si elle comprenait le sens réel de mes mots. Je la laissai méditer un instant sur ce long discours. Je n'avais pas l'habitude et je m'exprimais mal, mais je voulais sincèrement qu'elle s'en sorte, enfin, pour commencer, qu'elle accepte.

Il ne peut pas me comprendre ; pas avant d'avoir vécu ce que j'ai vécu du moins ; des vagues de cauchemars plus ou moins espacées temporellement. Les gens de la catégorie "je ne connais pas ta vie maiiis..." diront que tout problème à sa solution, mais la solution ne se trouve pas forcément à proximité et cette solution pour le moment je ne l'ai pas encore trouvée visiblement ; il suffit de regarder mes bras pour comprendre que je n'ai pas encore trouvé de solution à mon problème. Je tire légèrement les manches de ma veste pour les dissimuler. J'ai voulu, je l'avoue, le quitter et le voir souffrir sans moi pour qu'il comprenne ce qu'il aurait toujours dû comprendre ; mais finalement je n'ai jamais eu le courage de partir ou mieux, de lui dire que c'était fini. Je rêvais trop de ce "nous"... Aujourd'hui, secrètement, j'en rêve encore quand je regarde ces photos où tout ressortait si bien ; je me dis qu'il a moyen de faire marche arrière, de revenir à cette époque où on était tout l'un pour l'autre... Mais la vérité c'est que c'est plus possible, parce qu'il m'a fait beaucoup trop de mal pour que je continue à vivre à ses côtés comme si rien ne s'était passé. Et c'est dur d'accepter ces paroles ; notamment venant d'un inconnu dont j'ai fais la connaissance il y a quelques minutes à peine.


Un amour à sens unique hn... ; je repense à ses paroles lorsque le silence s'allonge et il se trouve qu'il a raison mais je n'arrive pas à l'accepter tout de suite ; enfaite je ne sais pas quand est-ce que je réussirai à l'accepter. J'éprouve le besoin de redonner une chance à Jun mais à chaque fois, je retombe encore un peu plus bas. Je dis aux amis qu'on y arrive, qu'on est en train de s'en sortir mais c'est pas vrai, il suffit de regarder mes bras, mes jambes, il suffit de me regarder dans les yeux pour savoir que c'est pas vrai. C'est pour ça sans doute que j'ai arrêté de regarder les gens dans les yeux ; pour éviter de me trahir. La vérité c'est que Jun et moi on y arrivera pas. Lorsque je dis à cet inconnu ce que j'ai sur le coeur, des mots sonnent faux dans ma bouche. Je le sens et ça ne m'empêche pas de continuer de parler. Parler en espérant qu'il ne dise rien parce que c'est difficile d'ouvrir les yeux quand la lumière est trop éclatante. Difficile d'ouvrir les yeux tout court enfaite ;


Satou - Tu sais t'es une jolie et gentille fille, alors crois moi, des mecs bien, tu peux en trouver. Et par "mecs bien" j'entends des mecs qui prendraient soin de toi. Et la violence est bien exclu de leur vocabulaire. Et la question qui se pose vraiment, c'est pourquoi t'es avec lui ? Ou plutôt, pourquoi tu restes avec lui ? Si c'est parce qu'il est devenu le centre de ton monde, tu devrais te demander de quoi est composé un monde. Et la réponse c'est pas d'une seule personne. Si c'est pas déjà fait, tu vas perdre tes amis et ta famille. Et là tu seras seule, seule face à lui. Tu ferais mieux d'apprendre ce que veut dire "bonheur", avant qu'il soit trop tard.


Mais d'une certaine façon, c'était peut être ce que j'avais besoin d'entendre depuis que Jun a levé la main sur moi pour la première fois ? Tous mes amis me recommandaient de le quitter sans raison valable, résultat ; je n'ai jamais écouté un seul de ces amis... Mais bizarrement, entendre de la bouche d'un autre que je vais probablement mourir à cause de la personne que j'aimais et que je vais devoir lui dire adieu parce que... Qu'est-ce que... Pourquoi est-ce que je me met à pleurer maintenant hn ? J'écrase cette cigarette qui est presque entièrement consumée et efface les larmes qui ne cessent de couler du revers d'une main tremblante. Sur le moment je ne dis rien... Et puis je sens mon téléphone vibrer dans la poche de ma veste. Cette fois-ci je décroche presque automatiquement sans dire quoi que ce soit ; c'est Jun qui parle en premier.


Jun - Ouais t'es où ?


Où est-ce que je suis hn ? Actuellement je n'en ai absolument aucune idée ; une ruelle loin de lui, loin de mes habitudes mais surtout de ce que j'ai pu être avant de connaître cette personne assise à côté de moi. D'une voix tremblante je commence ;


Haru - J-je... Je m'en vais Jun.

Jun - Quoi ? Putain qu'est-ce que tu racontes Haru ? T'es où là ?

Haru - Je m'en vais, j'abandonne, je te quitte, c'est fini.

Jun - Har...-


C'est une voix toujours aussi tremblante que je raccroche en effaçant mes larmes sans pour autant pouvoir les arrêter. Je regarde mon portable se mettre en veille et puis il essaie de me rappeler une fois, puis une deuxième et finalement ne tente plus rien. J'éprouve le besoin de marcher un moment même si j'ai l'impression que je perd pied, que le sol se dérobe sous mes pieds et que mes jambes ne me répondent plus. Je ne saurais vous dire combien de minutes je met à faire taire ces larmes. Sans doute une dizaine de minutes ? Ou alors une vingtaine... J'ai même l'impression de ne plus avoir d'eau dans le corps au bout d'un certain moment... Mais finalement ça se calme, je suis de nouveau présentable et je reviens m'asseoir à côté de cet inconnu qui m'a sauvé la vie. Quelques minutes s'écoulent avant que je ne lui dise merci.


Haru - Merci d'avoir débarqué dans ma vie, de m'avoir dit de me bouger un peu et ... Juste merci.

Mon discours avait dû la toucher car le silence s'installait. Elle restait calme mais surement prenait-elle sur elle. J'avais essayé de la convaincre, et bien que je parle peu, j'avais pour elle fait un discours construit. L'avait-elle ressenti ? Je me demandais bien à quoi elle pensait. Comment pouvait-elle ressentir les choses. Je ne la comprenais pas et je n'allais peut-être même jamais connaitre ce genre de choses, alors je ne savais pas bien quoi faire ou dire. Je pris donc la décision de ne rien faire et ne rien dire. Je ne voulais ni la brusquer ni la forcer à quoi que soit. Tout en finissant ma cigarette que j'avais fait durer jusque-là, je lui jetai des regards de temps à autre, m'attendant à une quelconque réaction de sa part. Je m'étais préparé à répéter ce même discours, ou même à le développer, quoique j'aurais eu du mal, mais je ne m'attendais pas à la voir pleurer. Silencieuse, elle pleurait doucement, sans un bruit. Elle écrasa alors sa clope maintenant entièrement consumée et essuya ses larmes qui ne cessaient de couler. Quant à moi, je ne faisait pas un bruit non plus, à vrai je n'osai rien faire. J'étais mal à l'aise. Assez tactile j'aurais pu la consoler par ma présence mais je ne la connaissais pas depuis longtemps et je ne pouvais savoir quelle serait sa réaction. C'était une fille brutalisée et surement ne devait-elle pas vraiment aimer le contact, elle devait certainement en avoir des tas de mauvais souvenirs, aussi, je ne tentais rien. M'affoler n'aurait de plus fait qu'empirer les choses et mon habitude silencieuse prit alors le dessus. Mon silence n'était pas sans aucune signification et même si elle ne ressentait rien, en me taisant et en la laissant ainsi, sans la déranger, je lui laissais une certaine intimité. Et je faisais preuve de compassion. Je pensais rester dans ce silence encore longtemps et je cherchais déjà comment m'en sortir un peu plus tard. Je ne voulais pas non plus la laisser pleurer durant des heures..

Finalement je la vis sortir son téléphone automatiquement, répondant à un appel. Elle ne prit pas la parole la première et je pensais que c'était peut-être un ami ou peut-être même quelqu'un de sa famille, qui s'inquiétait. Je n'aurais pas imaginé qu'elle réponde à un appel du violent petit-ami qu'elle avait. Mais sa voix hésitante et le prénom qu'elle prononça me ramenèrent à la réalité. Sur le coup, si j'avais agi sans réfléchir je lui aurais arraché son téléphone, mais ces mots m'intriguaient, aussi je décidais d'attendre un peu. Je lui accordais, quelques instants, ma confiance. Et c'est lorsque j'entendis 'je te quitte', que vraiment, j'en étais fier. Elle avait parlé clairement et il ne pouvait y avoir aucun mal-entendus. Je ne pouvais me tromper. Un sourire vint illuminer mon visage. J'écrasais à mon tour ma cigarette, attendant avec impatience la suite de la conversation. Mais en fait, il n'y en eut pas. La fille avait raccroché. Elle était toujours aussi incertaine et ses larmes n'avaient pas cessé mais elle avait, à mes yeux, passé la plus douloureuse des épreuves. Maintenant, elle pouvait s'en sortir. Elle pouvait s'imaginer un futur. Un futur heureux.

Je me sentais libre pour elle, et j'étais fier de cet acte courageux bien plus difficile qu'il ne pouvait en avoir l'air. Tout n'était cependant pas finis, j'en étais bien conscient, mais cela constituait néanmoins une grande avancée. J'allais parler, pour dire n'importe quoi, sans doute une bêtise comme 'c'est bien' mais la fille ne me semblait pas en état d'entendre quoi que ce soit. Elle se mit soudain à faire les cent pas, des allers-retours, sans trop s'éloigner. Durant une bonne dizaine de minutes, elle ne s'arrêta pas. Et je ne freinais pas sa course. N'osant garder le regard fixe, je la laissai digérer ce qu'elle venait faire. Elle devait en avoir besoin et je n'étais pas là pour la juger, alors je la laissais diriger tout ça, qu'elle prenne tout le temps dont elle avait besoin, je n'étais pas pressé. Je levai un instant la tête, la journée était aussi belle qu'elle avait commencée.

Une fois calmée elle revint à mes côtés. Elle s'était reprise mais je me doutais bien qu'il lui faudrait bien plus que quelques minutes pour aplanir tout ça. Je n'osais toujours pas prendre la parole et après deux ou trois minutes, ce fut elle qui parla, me remerciant. Je ne préférais rien répondre, ne sachant que dire. Après deux ou trois minutes que j'avais laissé à mon tour, je finis donc tout même par parler. Mon sourire n'avait pas disparu et bien que discret, on pouvait lire sur mon visage que je me sentais bien plus à l'aise maintenant.

Il fait beau n'est-ce pas ?

Je n'attendais aucune réponse, j'avais un peu parler pour moi-même. D'ailleurs je ne lui laissai pas le temps de me répondre. Je me levai d'une traite et face à elle je lui tendais la main :

Je t'emmène faire un tour ?

Je n'avais pas l'intention de lui faire visiter la ville, mais sans doute que marcher un peu tous les deux nous ferais du bien. Maintenant que j'étais un peu moins sur les nerfs j'entendais, dans une rue un peu lointaine, résonner des rires d'enfants. Il faisait doux et le ciel bleu sans nuages me présageait une bonne fin de matinée.

Le temps d'un instant tout s'est arrêté de fonctionner ; j'ai sorti mon téléphone de la poche de ma veste et alors les mots ont débordés avant même que mon cerveau ne comprenne. Les mots ont débordés c'est tout ; tout ce que je me suis dit sur le moment c'était que pour la première fois depuis que j'avais connu le côté obscur de la personne qu'auparavant j'aimais... j'ai eu l'attitude de la femme que je rêvais d'être. C'est assez stupide de penser à ce genre de chose en mettant un terme à une conversation n'est-ce pas ? Ce n'est sans doute pas aussi stupide que le comportement que j'ai eu pendant tout ce temps et je commence à m'en rendre compte, la réalité commence finalement à me rattraper.

Assise sur ce trottoir au beau milieu d'une ruelle dont je ne connais absolument pas le nom, durant un certains temps, je préfère rester silencieuse. Sans doute parce qu'il est toujours un peu difficile de digérer ces mots que j'ai utilisé pour parler à Jun. Sans doute parce qu'on ne peut pas oublier d'un coup les personnes qui ont littéralement marquées plusieurs périodes de notre vie. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la douleur est toujours présente ; une douleur que j'ai du mal à localiser. Ce n'est pas de la nostalgie, je serais malade d'éprouver de la nostalgie pour des mauvais moments passés en sa compagnie. Ce que je ressens est un peu étrange ; j'ai le cœur dans un état misérable...


Satou - Il fait beau n'est-ce pas ?


Sa voix me ramène à la réalité et alors que mon regard était posé sur un point imaginaire, complètement perdu à la contemplation du sol ; il se pose finalement sur cet inconnu qui m'a sans doute sauvé la vie. Il sourit. Qu'est-ce qu'il a dit déjà ? Il fait beau ? Mon regard s'éloigne alors pour se poser sur le ciel dont finalement, je n'ai pas le temps de voir l'état ; l'inconnu se poste devant moi et me tend la main. Comment ? Est-ce que je veux faire un tour ? Je retarde le temps où je vais me lever parce que j'ai peur de ne pas tenir sur mes jambes et par la même occasion perd toute ma curiosité en lui demandant ;


Haru - Dis... Comment est-ce que tu t'appelles hn ?


Je lui tend à mon tour ma main, attendant toujours sa réponse.

J'attendais patiemment sa réponse, elle semblait plongée dans ses pensées et certainement que mes paroles la sortaient de son monde. Maintenant elle était libre, et bien que tout cela était loin d'être fini réellement, pour l'instant, je voulais lui changer les idées. Ce ne me ferait pas de mal non plus. Et puis, on pourrait enfin profiter de cette belle journée. Lorsqu'elle revînt à elle, elle ne me prit pas la main directement et semblait ne pas même vouloir se lever. Je commençais à penser qu'elle ne me répondrait pas lorsqu'elle me demanda nom. Avec tous ces évènements j'en avais oublié les formalités c'est vrai. Et je ne connaissais d'ailleurs pas le sien. C'est donc avec un léger sourire, comme si je rigolais de cette situation, que je lui dévoilait mon nom :

Koichiro Satou pour vous servir.

Bien que je ne lui posais pas la question, il était implicite qu'elle se présente à son tour. Et c'est alors qu'elle me prit la main. Je ne m'y attendais plus, mais je gardais cette main dans la main avec bienveillance. Il faut dire qu'elle devait être secouée par tout ce qui venait de se passer. Ce qui n'était pas étonnant, elle venait de franchir un cap. Mais j'allais être patient. Comme je l'avais été jusque là. Cette journée serait surement longue. Mais cette fille avait besoin de soutiens et je m'étais déjà en quelque sorte engagé. Et je n'étais pas du genre à abandonner.