Cela faisait maintenant un moment que je me disais qu'il fallait que je me présente au club de musique, car depuis mon inscription en début d'année je n'avais pas encore trouvé la motivation pour m'y rendre. Mais aujourd'hui, je ne sais pas vraiment pourquoi, j'avais décidé d'aller enfin y faire un tour. Je finissais à 15H, ce qui me laissait donc une bonne partie de la journée pour répéter un peu. Après mon cours d'anglais, j'allais donc aussitôt en direction de ma chambre. Il n'y avait personne, tant mieux. Je ne faisais que passer, je voulais simplement prendre ma guitare. Ce qui je fis, avant de repartir en direction des clubs. Comme je sortais des cours, je portais encore l'uniforme, mais j'avais largement désséré ma cravate et ouvert ma chemise. A la fin des cours, je me mettais toujours plus à l'aise.

Je vagabondais donc au hasard des couloirs, ma guitare sur le dos, jusqu'à trouver enfin la salle de musique. La porte était entre ouverte, et alors que j'étais parti pour l'ouvrir et entrer, je me stoppai net. Je repensais soudain à la jeune fille blonde que j'avais rencontré sur le toit. Korin Hitsugawa, si je me souviens bien. Mais ce n'était pas son nom qui me faisait hésiter à entrer. C'était plutôt ce qui s'était passé lors de cette rencontre. Je m'étais personnellement bien amusé avec elle, et j'avais cru ne pas avoir à me prendre la tête, mais la dernière phrase qu'elle m'avait dite résonnait encore dans ma tête : « Je t'aime ! ». Et elle était partie, me laissant seule avec cette déclaration. J’espérais qu'elle n'était pas sérieuse, que ce n'était que des mots, car il était certain que je lui ferais plus de mal que de bien. Et puis, je n'étais du genre à me contenter d'une seule fille. J'étais bien loin du romantique basique.

Mais pourquoi penser à elle maintenant ? Tout simplement parce qu'elle m'avait dit faire partie du club de musique elle aussi. J'avais sans cesse refoulé ses derniers mots, et je n'avais jusque là pas pris la peine de réfléchir à ce que je devais faire si je me retrouvais de nouveau face à elle. Ah, ça m'énervait ! Je lui avais pourtant dit de ne pas tomber amoureuse ! Je commençais à me prendre la tête, et je n'aimais pas ça. Il n'y avait de plus probablement personne dans la salle ! Mais je ne pus me résoudre à entrer dans cet état. Je m'adossais donc au mur, fermant les yeux afin de retrouver mon calme habituel.

Korin était une nouvelle fois assise sur son lit, attendant impatiemment que le temps passe. Depuis deux heures déjà, elle avait fini les cours. Elle s'était alors dirigée vers sa chambre pour y trouver du repos. Mais au final, elle était restée assise, là, sans rien faire, regardant toujours le même paysage. S'obligeant à sortir de cet ennui, Korin se leva, et vagabonda dans la pièce. Elle vit alors sa housse, qui contenait son clavier. Depuis son arrivée à la pension, elle n'avait jamais eu le temps d'y jouer, à part pour faire ses "preuves", en intégrant le club de musique. Tiens, le club de musique ? Cette idée enchanta Korin, qui prit sa housse, et se dirigeait dans les bâtiments, où se trouvaient les salles de cours, et les salles de clubs. Korin regarda par la fenêtre, et vit le bâtiment se dessiner sous ses yeux. Elle regarda attentivement, et vit le couloir qui menait au club de musique. La lumière y était allumée.

"Tiens, il doit y avoir quelqu'un... Une bande d'étudiants rebelles sans doute..."

D'un pas assuré, elle atteignit le bâtiment. Il commençait à pleuvoir dehors. Korin dévisagea alors le toit du bâtiment d'en face, et sourit. C'était là qu'elle avait fait la connaissance de Satou. Bizarrement, elle l'avait presque oublié... Pourquoi ? Korin était trop occupée avec les cours ! Elle n'arrive pas à travailler, si elle pense au garçon qui lui a sauvé la vie, et qui l'a.... euh.... embrassée ?

Korin déglutit. Cette scène l'avait tellement mise mal à l'aise ! Et en plus, c'était elle qui en était la cause ! Korin serra les poings et avança dans les couloirs. Soudain, elle se stoppa. La bande d'étudiants rebelles qu'elle imaginait, était en fait Satou, le garçon qu'elle avait rencontré, quelques jours auparavant. Elle lâcha sa housse, qu'elle tenait entre ses bras, et la rattrapa brusquement avec la anse, qui avec tout son poids, fit tomber Korin. Que faisait-il ici ? Il faisait partit du club, et alors ? Comment pouvait-il être ici à la même heure qu'elle ?

Korin avala sa salive, et avala limite ces mots :
"S....Salut...."

Après mûre réflexion je me dis qu'il n'y avait pas de quoi en faire toute une histoire. C'est vrai, je n'avais qu'à faire comme si elle n'avait rien dit d'embêtant et peut-être qu'elle oubliera. Peut-être même qu'elle avait déjà oublié. Ces mots que je ne voulais pas entendre. Je repris petit à petit ma sérénité naturelle. J'étais décidé à entrer dans la salle, que cette fille soit présente, ou pas. Et puis, peut-être que si je m'amusais une nouvelle fois avec elle, elle comprendrait que l'amour ne me va pas. Je n'avais pas encore ouvert les yeux que soudain une voix familière me salua en bégayant un peu. Je sortis aussitôt de mes pensées, ouvrant les yeux d'un seul coup, et me retrouvant face à Korin Hitsugawa. Quand on parle du loup, on en voit la queue. Celui qui à inventé le dicton ne s'est pas trompé ! Mais je n'allais pas rester là à la regarder sans bouger, d'autant plus que je ne sais pas comment elle avait fait mais elle était par terre à me regarder. Sans plus attendre je m'approchai d'elle et me baissai pour être à son niveau.

Ça va ?

J'étais un peu choqué de la voir ici mais je lui souriais amicalement. Quelque part j'étais de la revoir. Mais je me demandais si elle allait bien, si elle ne s'était pas fait mal. Alors je remarquai la housse qu'elle tenait. Je formulais ma pensée à voix haute :

Un clavier ?

Elle m'avait dit qu'elle en jouait maintenant que j'y pense. Surement était-elle venue, tout comme moi, pour répéter.

Korin était d'autant plus choquée, quand Satou lui adressa la parole.
"Huhh... Oui, ça va... Enfin, je crois ! Ca.... Ca fait longtemps !"

Après réflexion, ça ne faisait pas aussi longtemps que ça. Korin se sentait ridicule ! Voilà la timidité qui la reprenait. Elle n'eut pas le temps de corriger son attitude que celui-ci relança "la conversation" :

"Un clavier ?"

Bah, il avait la mémoire croute ou quoi ?! Elle le luit avait pourtant bien dit qu'elle jouait du clavier, et qu'elle faisait partie du club de musique, non ? Korin répondit avec une légère insolence :

"Bah oui tu croyais quoi ?! Tu pensais que je mentais quand je disais que je jouais du clavier ?"

Korin leva alors sa main, qu'elle mit à l'horizontale, et frappa légèrement la tête de Satou. Il devait certainement avoir un problème de mémoire ? Était-elle sélective ? Après tout, Korin avait la mémoire absolue, alors il avait peut-être l'inverse d'elle. Korin renchérit, toujours avec ce même ton désagréable.

"J'étais venue travailler mes compétences au clavier figures-toi ! Je ne suis pas venue pour toi ! Et puis ce que j'ai dit l'autre jour.... Bah... euh.... Bref ! Sache que si tu te moques une seule fois de ma façon de jouer, je sors ma paire de ciseaux, et je t'éventres avec !"

*Pourquoi je l'ai menacé comme ça ? Je tourne pas rond aujourd'hui dis donc...* Korin pointait maintenant Satou du doigt. Honteuse, elle le rabaissa, tourna la tête, car elle commençait à devenir écarlate, et s'introduit dans la salle du club. La salle était très grande. Korin y déposa soigneusement son clavier, vérifiant s'il n'avait pas subit de dommages. Manque de chance, il manquait une vis reliée à l'interrupteur du clavier. Le son ne serait donc pas électrique ! Korin déglutit. Elle se retourna, se mit à terre, et se mit à rechercher à tâtons cette vis manquante.

"Tu pourrais chercher avec moi, au lieu de glander !"

Pauvre Satou. Il semblerait que ce n'était pas le bon jour pour la recroiser....

Elle semblait surprise de me voir et elle me parut confuse lorsqu'elle me répondit qu'elle allait bien. Je me relevais avec elle et je crus l'avoir offensé par ma question car elle y répondit avec une certaine colère. Je n'avais jamais pensé qu'elle m'avait menti sur quoi que ce soit, et sa réaction me semblait un peu excessive. Mais comme j'avais pu le remarquer lors de notre première rencontre, cette fille était parfois étrange. Elle me frappa alors gentiment sur le front avec sa main avant de continuer la conversation, toujours sur un ton plutôt désagréable. Elle était peut-être vexée. Elle me dit qu'elle était venue ici afin de réviser un peu son jeu au clavier mais sa phrase ressemblait plus à une réprimande qu'à une simple explication. D'ailleurs, la suivante m'arracha un sourire : si elle n'était pas venue pour moi, pourquoi prenait-elle la peine de le préciser ? Je n'avais même pas envisagé cette option avant qu'elle ne m'en parle. Le sujet se rapportant étrangement à moi, elle voulut enchainer sur ce qu'elle m'avait dit avant de m'abandonner lors de notre dernière rencontre sur le toit, mais elle ne finit pas vraiment sa phrase et éluda le sujet. Je n'eus pas le temps de prendre la parole pour en parler qu'elle était déjà repartie pour me parler de sa prestation au clavier, elle ne voulait pas que je me moque et elle me menaça si j'avais le malheur de le faire. Je n'étais pas du genre à rire des autres mais comme elle me semblait en colère je ne fis aucune remarque. Je me demandais quand même ce qui avait pu provoquer chez elle une telle mauvaise humeur.

Elle entra alors la première dans la salle du club. Elle installa son clavier et je sortis pour ma part ma guitare de sa housse. Je la déposais délicatement dessus afin qu'elle ne tombe pas. Je remarquais alors que Korin s'était mise à terre, comme à la recherche de quelque chose. J'allais lui demander si elle avait perdu quelque chose lorsqu'elle me coupa, toujours aussi agressive pour dire de chercher avec elle. Je perdis alors soudainement mon sang-froid et juste à temps je me repris. J'étais prêt à lui crier dessus à mon tour et même à partir aussitôt mais je réussis à me calmer. Je savais bien que ce n'était pas contre moi et que la laisser seule n'arrangerait rien, c'est pourquoi je pris la peine de rester.

Je décidais de répondre avec bien plus de tact mais surtout, d'une manière qui m'amuserait un peu plus et qui détendrait peut-être l'atmosphère. Je m'avançais vers elle et m'accroupi juste en face. Nos deux visages étaient assez proches et je me permis un petit sourire avant de lui dire calmement :

Peut-être que si tu me disais ce que tu cherches, je pourrais t'aider.

J'avais aussi pensé à lui parler de son attitude en gardant le même ton plutôt joueur mais je n'osai pas. Peut-être n'avait-elle pas envie d'en parler. En tout cas j’espérais bien lui changer un peu les idées.

Là il ne manquait pas d'air ! Nan mais quoi, il ne connaissait pas la composition d'un fichu clavier ?!
"C'est une vis que je cherche si tu veux tout savoir, et puis, ne me regarde pas avec ce sourire niais comme s'il ne s'était jamais rien passé entre nous !"

Korin se mit de nouveau à chercher. La salle était petite, mais il y avait assez de meuble pour y égarer une pauvre petite vis. Korin en se relevant, se tapa la tête contre une table, et bougea frénétiquement sa main là où l'impact a eu lieu.

" Fichu meuble ! Rrrrrhh ! Pourquoi ça tombe toujours sur moi, c'est pas croyable ! J'étais déjà de mauvaise humeur, mais là.... c'est le bouquet !"

Elle regarda Satou, la regardant, figé. Rouge de honte, Korin se retourna, et dit :
"De toute façon, vous les garçons, vous vous moquez de nous dès qu'on fait quelque chose, c'est inacceptable ! Et puis, tu n'as pas vraiment l'air de chercher !"

Se relevant lentement cette fois-ci, Korin reprit la conversation plus amicalement :
" C'est une vis assez grosse, si nous cherchons bien, nous pourrons la retrouver facilement... enfin... tu vois ?"

Korin se mémorisa la scène où elle avait tombé malencontreusement sa housse de clavier dans le couloir, et put observer le moindre détail grâce à son hypertimésie. Lorsqu'elle s'était affolé pour savoir si son clavier n'avait rien, elle ouvrit la housse, et fit tomber la vis qui s'était décrochée à cause du choc.

"Elle ne devrait pas être très loin, je pense qu'elle est à côté du meuble, près du tableau à l'autre bout de la salle."

Korin s'était manifestement calmée, pour le plus grand bien de Satou.

Ma tentative échoua et j'en eus la confirmation lorsqu'elle me cria dessus qu'elle cherchait une vis. Mais je ne pouvais pas lire dans ces pensées, alors pourquoi était-elle de si mauvaise humeur après moi ? Cette fille était tellement étrange ! Mais lorsqu'elle me parla de nouveau de l'incident sur le toit, je me dis qu'elle m'en voulait peut-être. Pourquoi ? Ça, je n'en savais rien, mais les filles avaient tendance à être incompréhensibles.

J'étais toujours à réfléchir au problème qui se posait quand j'entendis un bruit sourd. Korin s'était cogné la tête, ce qui allait forcément me retomber dessus, car aujourd'hui tout était de ma faute. Je n'aurais pas dû me lever. Elle se mit premièrement à râler, ce qui m'arracha un sourire : sa colère en devenait presque ridicule. Comme prévu je me pris par la suite une réflexion, elle avait aperçut mon sourire, et me rappela par la même occasion que je devais cherchais la vis. J'eus alors un léger soupir. Si c'était pour continuer ainsi, je tiendrais pas longtemps. Je me levais donc, prêt à partir, lorsqu'elle en fit de même et reprit d'une voix calme, me décrivant la vis et m'encourageant plus gentiment à la chercher. J'eus un nouveau soupir. Cette fille me rendrait folle. Il y a un instant je l'aurais laissée seule mais à la voir ainsi, je ne pus me décider à partir. Je regardais alors un peu partout autour de moi, balayant le sol des yeux, quand je vis quelque chose briller. C'était sous un meuble, mais assez près pour que je le ramasse sans problème. C'était évidemment la vis. J'entendis alors Korin me décrire précisément l'endroit où elle devait surement être qui était effectivement l'endroit où je l'avais trouvé. Je retournai donc à ses côtés, et une fois dans son dos, assez près d'elle, je tendis mon bras devant elle pour qu'elle aperçoive la vis dans ma main et je lui chuchotai :

La voilà.

J'avais plus ou moins retrouvé mon calme et j'étais bien heureux que cette histoire se finisse enfin. Mais allait-elle vraiment être plus gentille maintenant le problème résolu ? J'avais des doutes. Je ne savais pas à quoi m'attendre avec elle. Mais je n’espérais qu'une chose : que sa mauvaise humeur soit réellement passée.

Lorsque Korin s'excusa, j'eus un léger sourire. Elle n'y étais pas obligée, je ne suis pas rancunier et même si j'avais fait un effort pour garder mon calme et rester avec elle, je ne lui en voulait déjà plus. Mais je la sentais triste, ce qui fut confirmé lorsqu'elle se retourna. Enfin, je savais que ça n'allait pas durer, après tout, s'il y avait bien une chose que j'avais retenu sur elle, c'est qu'elle était lunatique ! Et comme ce n'était pas bien grave, il n'y avait aucune raison pour que ça dure !

Une fois la vis retrouvée, Korin me remercia et partit tout aussi tôt la remettre à son clavier. Sa mauvaise humeur déjà oubliée, la voilà toute heureuse à me jouer quelques airs. Je la regardais silencieusement, profitant simplement du spectacle de la voir ainsi, lorsqu'elle me demanda de lui montrer comment je jouais. Je repris alors ma guitare que j'avais jusque là délaissé.

Tout en me préparant je me demandais ce que je pouvais lui jouais, bien sur je resterais dans mon répertoire, mais quelle musique serait la moins triste ? Je devais définitivement en ajouter de nouvelle un peu plus joyeuse. Je me mis face à elle, à une certaine distance quand même puis me mit alors à jouer. C'était l'un de mes premiers airs, triste et mélancolique, il était facile à retenir et me trottait donc souvent dans la tête, c'est pourquoi je décidais de le jouer. Et malgré les douloureux sentiments que portait cet air, il donnait par ailleurs l'impression d'un échappatoire et se finissait sur des notes plus douces.

A la fin de ma prestation, je demandais son avis à Korin :

Alors ? Ça t'as plu ?

Je lui souriais instinctivement en la regardant.