Ichi est une adolescente de seize années, et d'aucuns diront qu'elle en fait moins, à son grand regret ! Et pour cause, outre sa taille qui ne dépasse pas le mètre soixante, la jeune lycéenne n'a guère d'attributs qui donneraient un indice précis sur son âge. D'habitude, Aoki adopte une posture leste à l'image d'une partie de son caractère qu'elle tente plus ou moins de réduire au silence, en s'entrainant, tant bien que mal, à en avoir une un peu plus décontractée. Son visage est lisse comme de la soie et son teint blanc comme du lait. Ses cheveux sont aussi noirs que du jais et assez longs, sa frange lui cache généralement son large front et ce n'est pas elle qui s'en plaindra ! Ses yeux sont noisette, vifs et larmoyants et son nez est discret. Sous ses minces lèvres et ses pommettes ni trop creusées, ni trop joufflue se dresse un menton mi-rond mi-pointu. Ichi a de fines et douces mains maintenues par des épaules étroites et arquées. Et pour finir sur ses jambes, disons que celles-ci sont... Petites.

Ichi est une fille cultivée et intelligente, d'ailleurs, elle aime assez apprendre, ce qui est déjà une grande qualité chez une lycéenne. Sa lucidité est à toute épreuve, ce n'est pas le genre de filles à être sur la lune, sauf peut-être lorsqu'une conversation dévie sur la nourriture, c'est une fana de cuisine ! Elle est loyale et généreuse, car sous ses airs un peu stricts, il est rare de la voir refuser quelque chose qui compte vraiment aux yeux de son interlocuteur, si peu, bien entendu, qu'elle éprouve un sentiment amical envers ce dernier. Le trait, cependant, qui la démarque le plus, et pas que d'un peu, c'est son perfectionnisme, elle ne peut pas s'empêcher de peaufiner quelque chose de très bien en quelque chose qui à son goût sera parfait, certains diront que c'est une grande qualité, mais aux yeux d'Ichi, cela ressemble plus à un trouble obsessionnel embêtant.

Ichi est venue au monde un jour de printemps, paraît-il, et elle n'avait de toute façon ni le temps, ni l'envie de savoir si cela était vrai. D'ailleurs, il est très rare que vos parents mentent sur le jour de votre naissance, alors le débat n'a pas vraiment lieu d'être.

C'était la deuxième des enfants de la famille, derrière Cho, avec qui elle s'entendait généralement bien, même si leurs caractères différaient en tout point. Après tout, ne dit-on pas que les contraires s'attirent ? (Bien que l'on dise aussi : qui se ressemble s'assemble.) La future lycéenne avait donc grandi aisément avec ses bons et généreux parents, à qui elle avait au moins réussis à soutirer ces deux traits de caractère.

Arrivée à ses seize ans, la famille d'Ichi n'avait pas grandement évoluée, bien sûr, entre-temps, sa soeur, qui était maintenant âgée de vingt années, avait déménagée assez loin de sa fratrie, car il était devenu assez difficile de se trouver un logement dans les environs (et pas que dans les environs, même si Ichi ignorait ce dernier point). Son père et sa mère travaillait quotidiennement et après avoir passé deux mois à regarder comment évoluait les choses après le déménagement ô combien tragique de leur plus grande enfant, ils décidèrent d'envoyer leur plus jeune dans un pensionnat. La scène, bien qu'assez lointaine dans les souvenirs collectifs, ressemblait à cela :

La table était dressée pour toute la famille, alors que la mère d'Ichi reposait tranquillement la dernière assiette qu'elle mettait depuis deux mois en plus des autres, par habitude. Le père, qui lui avait déjà commencé à manger avec sa fille, commença à lui dire :

- Oh, en fait, Ichi... Discernait-on dans le brouhaha de sa bouche, le côté frivole de ses paroles était censé rendre la nouvelle plus agréable à entendre... Nous allons te placer en pensionnat... Tu sais, avec ta soeur qui est partie, on ne veut pas te laisser seule à la maison.

Ichi manqua de s'étouffer à l'écoute de cette nouvelle improbable et spontanée mais garda le peu de calme qu'elle pouvait avoir pour réfléchir à ce que donnerait la vie dans ce genre d'établissement. Elle pensait aux amies qu'elle pourrait se faire, elle ne serait plus jamais seule ! Elle serait heureuse ! Même les cours seraient d'une festivité rare ! Après vingts minutes sans parole tandis que son père la regardait en serrant les dents, les yeux mi-clos et qu'elle méditait sur la dernière phrase de ses pensées, Ichi prit la parole :

]- D'accord, dit elle, alors que son père sursautait en entendant sa réponse qu'il imaginait depuis les dernières minutes, bien que celle-ci en était le contraire totale.

Il n'osa parler plus, pensant que ses prochaines paroles pouvaient tout changer en un rien de temps. C'est ainsi qu'après un repas presque normal, Ichi était devenue pensionnaire à Yorihiko. Et pourquoi celui-là... Juste pour une raison de distance.